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03/01/2005

"Fabriquer le futur ou laisser l'avenir venir ?" par Eric Seulliet



Que sera, sera
Demain n'est jamais certain
Laissons l'avenir venir
Que sera, sera
What will be, will be








La ritournelle obsédante chantée par Doris Day dans le film de Alfred Hitchcock « l’Homme qui en savait trop » illustre bien une attitude courante face à l’avenir.

La fin des certitudes

Une telle attitude a longtemps été confortée par une foi dans le progrès, même si elle était teintée d’une certaine dose de fatalisme. C’est qu’avant, tout paraissait devoir se dérouler de façon linéaire, sans (trop d’) à-coups. Dans ce contexte, la notion de progrès constituait indéniablement le paradigme dominant. Ce progrès - très techno-centré – était érigé en valeur universelle, supposé pouvoir faire le bonheur de l’Humanité et receler les solutions à ses problèmes.

Mais ne serait-il pas temps de changer maintenant de posture ? Car aujourd’hui, les choses ne sont plus linéaires. Le rythme du monde s’accélérant, tout est beaucoup plus imprévisible et sujet à bifurcations soudaines. La notion de progrès, notamment scientifique et technologique, a évolué jusqu’à être discutée ou tout au moins reconsidérée. Il est significatif que deux philosophes traitent de cette interrogation dans des livres récents[2]. Robert Redeker compare ainsi le progrès, chez les modernes, comme « l'opium de l'histoire ». Il faut dire qu’en débouchant sur une société de consommation qui a perdu tout sens, ce modèle de la société moderne a montré ses limites.


Le pouvoir de l'imaginaire

C'est ainsi que Victor Scardigli, spécialiste de l’innovation constatant dans un livre qui vient de paraître [1] que « La vie est un dosage subtil de liens et de ruptures » prône en conséquence l'abandon des certitudes du passé, le recours à l'imagination créatrice et la prise de risques.

Ecoutons à ce propose ce que dit Edouard Glissant, écrivain caraïbe[3] : « Nous vivons dans un bouleversement perpé
tuel où les civilisations s’entrecroisent, des pans entiers de culture basculent et s’entremêlent, où ceux qui s’effraient du métissage deviennent extrémistes. C’est ce que j’appelle le chaos-monde. On ne peut pas agir sur le moment d’avant pour obtenir le moment d’après. Les certitudes du rationalisme n’opèrent plus, la pensée dialectique a échoué, le pragmatisme ne suffit plus, les vieilles pensées de systèmes ne peuvent comprendre ce monde. Je crois que seules des pensées incertaines de leur puissance, des pensées du tremblement où jouent la peur, l’irrésolu, la crainte, le doute, saisissent mieux les bouleversements en cours. Des pensées métisses, des pensées créoles ».


De nouvelles voies pour innover et inventer demain

Que cela signifie-t-il pour les entreprises et leurs relations aux consommateurs ? Comment peuvent-elles innover mieux et plus vite ?

Co-créer avec les consommateurs, les remettre au cœur des préoccupations, être à l’écoute de leurs rêves et des imaginaires, s'intéresser sincèrement à eux, pratiquer l’empathie et la reliance. Telles sont les principales pistes qui semblent les plus prometteuses pour créer les produits et services de demain. Et ce faisant pour contribuer à changer le monde.

Certaines entreprises avancées explorent ces nouvelles voies de la prospective et de l'innovation, en s'éloignant du simple suivi des "tendances" constituant l'air du temps.

Après avoir conduit une vaste enquête sur ce thème, nous relatons cela dans un livre à paraître ce mois-ci : "Fabriquer le futur - l'imaginaire au service de l'innovation".




[1] « Le consommateur au cœur de l’innovation », livre collectif sous la direction de Jean Caelen, CNRS Editions, 2004.

[2] « Le Progrès ou l'opium de l'histoire » de Robert Redecker (Pleins Feux), 2004 et « Le sens du progrès » de Pierre-André Targuieff (Flammarion), 2004.

[3] Extrait d’une interview par Frédéric Joignot parue dans « Le Monde 2 », daté du 31 décembre 2004

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