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01/05/2004

"Une vision détournée" par Raymond Vaillancourt

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Il semble de plus en plus évident que la recherche de profits rapides au sein des entreprises privées de même que l’assujettissement à l’équilibre budgétaire comme seul leitmotive au sein des organisations publiques les conduit à délaisser de plus en plus l’utilisation d’une vision comme catalyseur de la mobilisation. En effet, à quoi servirait une vision dont la portée serait continuellement obnubilée par l’accroissement du taux de retour sur le gain en capital des actionnaires ou encore sur la récupération de l’excédent des revenus sur les dépenses par les gouvernements ? Dans une telle perspective, la présence d’une vision demeure un obstacle que l’on préfère habituellement ne pas avoir à affronter.

C’est là cependant un mauvais calcul en matière de prospective et d’avenir pour les dites organisations ou entreprises. Autant il y va de l’intérêt d’une entreprise souhaitant demeurer à la fine pointe de son créneau de ne pas sacrifier au pourcentage de profit son budget de recherche et de développement, autant il y va de la survie même des organisations publiques le fait de ne pas se confiner à la seule recherche de l’atteinte de l’équilibre budgétaire. Dans l’un et l’autre cas, ce serait hypothéquer l’avenir pour le seul présent et oublier que l’avenir ce n’est que le présent répété ! Dans ces conditions, la recherche de profits rapides ou du déficit zéro aura tôt fait de détourner le sens desdites organisations et entreprises.

Or ce qui fait vivre les organisations et les entreprises et les garde significatives aux yeux de ceux qui y travaillent, c’est justement la présence d’une vision donneuse de sens et mobilisatrice. Dès que cette vision est sacrifiée au profit de contingences essentiellement matérielles qui ne profitent qu’à certains (actionnaires ou hommes politiques), la tentation est grande pour ceux qui y œuvrent de détourner les intérêts de l’entreprise ou de l’organisation au profit de leur intérêt individuel, accroissant ainsi la nécessité d’exercer davantage de contrôle sur les mécanismes de production ou d’offre de service et, partant, de diminuer le sentiment de responsabilité des employés. Bref on poursuit une spirale chimérique qui risque de provoquer un accroissement continu des fusions et/ou regroupements de même que des coûts humains qu’elles engendrent pour une augmentation minime des profits dans l’entreprise privée et une situation financière chaotique pour les organisations publiques.

En renonçant à une vision porteuse faisant appel à l’avenir de l’organisation ou de l’entreprise en des termes autres que comptables, on l’assujettit à un présent qui risque de la faire basculer dans le passé ! En sacrifiant le moyen terme au court terme, on rend quasi-impossible, pour les employés, l’identification à l’organisation la fragilisant davantage en cette période d’incertitude. Car ce sont les valeurs qui font vibrer les individus, que ces valeurs soient matérielles ou spirituelles, et les assujettir à des objectifs uniquement financiers risquent de les pervertir. En période de bouleversements et d’incertitudes comme celle que nous traversons, les personnes ont plus que jamais besoin de se référer à une vision qui leur permet de s’élever au-dessus du quotidien et de se prolonger au-delà du présent. En faire l’économie ou, pis encore, en la dénaturant par un usage du faux-semblant, est un très mauvais calcul pour les organisations ou les entreprises.

L’absence de frein au capitalisme peut sembler, dans un premier temps, fort profitable mais c’est oublier que les organisations et les entreprises sont comme les individus : leur pérennité dépend essentiellement de ce qui les anime, des valeurs qui les sous tendent et de la vision de leur propre avenir. Sans ces éléments, elles ne sont plus maîtres de leur destin et, du point de vue du changement, elles le subissent plutôt que de le conduire.

Raymond Vaillancourt est consultant et est basé au Québec - ©Prospect Gestion - ©Le Temps de l’Incertitude

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