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03/12/2004

"Chaque jour son signal de prospective" par Philippe Cahen

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Un ministre de 49 ans (qui s’affirme catholique) cède la place à deux ministres de 40 et 44 ans (celui-ci père de 8 enfants et catholique pratiquant). Un président fête ses 72 ans et se demande s’il ne va pas demander un troisième mandat de 4 ans dans 2 ans …
Ce mois de novembre 2004 est bien représentatif de la France qui se profile dans les années à venir - accessoirement en retard sur ses voisins européens - : un vieillissement – et une féminisation du vieillissement - de la population nationale, un rajeunissement brutal de la population active, une réaffirmation de la religion et/ou de la religiosité. Si l’on ajoute à cela une minorité visible de moins en moins minoritaire et de plus en plus visible, et une France de moins en moins urbaine et de plus en plus néorurale et l’on a le portrait résumé de la France des années 2007 à 2012.
Cela donne immédiatement une image de la France où ce qui se décide ou se crée aujourd’hui n’est pas nécessairement dans l’optique de cette mutation. Et que des pans entiers de développement sont laissés de côté.
Or lorsqu’un industriel demande de créer un produit aujourd’hui, c’est pour cette France-là qu’il le crée et non pour celle d’aujourd’hui.
Il ne crée pas pour les tendances en cours extrapolées pour les mois à venir mais pour la prospective immédiate, la prospective du présent, une prospective construite sur des hypothèses à 5/7 ans. Celle qui ose la rupture avec le présent. Car on n’a jamais vu le présent immédiat être la suite du passé immédiat.

Prospective n’est pas tendance.

L’entreprise éprouve l’urgente nécessité d’être la première sur son marché et non la suiveuse du convenable. Le consommateur préfère l’audace qui se remarque au suiveur qui prétend créer et encombre les linéaires. L’innovation a très mauvaise presse lorsqu’elle n’est ni visible ni compréhensible, voire mensongère. Lutter contre l’obésité en diminuant les sucres et augmentant les graisses n’est pas une innovation, c’est un danger pour la marque. Dans le brouhaha de la communication le consommateur a besoin d’être reconnu, le produit audacieux et utile est un plus pour la marque.
Notre métier – ‘prospectiviste’ à défaut d’un mot plus précis - est donc là : tracer la sociologie, la psychologie, l’urbanisme, le commerce, l’environnement, le politique, les technologies, les influences internationales …. de demain pour créer le produit … de demain. C’est dans la synthèse de ces informations, dans le jeu de quilles permanent des idées se frottant l’une à l’autre que se trouvent les pistes innovantes de demain et non dans la spécialisation à outrance. Et chaque jour porte son lot d’informations, analyses, études, réflexions … complémentaires.

Prospective et perspective.

Favilla dans les Echos du 19 novembre, se fondant sur une analyse des élections américaines, écrivait que Weber reprend vie contre Marx, que les facteurs religieux et culturels l’emportent parfois sur les facteurs sociaux économiques. Or nos études sont marxistes (au sens du panel !) et non wéberistes … et ont donc une logique de CSP ou de données sociodémographiques et non de culture ou de religosité à deéfaut de religion interdit par la loi française : avec un angle de vue différent, une perspective différente, notre regard peut changer et favoriser la prospective.
Autre exemple : les hypermarchés ne parlent que de prix, de guerre des prix. Pour avoir assisté à des conférences de Michel-Edouard Leclerc, président des magasins éponymes, et de Michel Bernard, directeur général de Carrefour, j’ai pu le constater chaque fois pendant 2 heures. Or si l’on parle de guerre du temps – ce dont tout le monde convient qu’il est le point central -, toute la perspective change ! Personne n’a dit le contraire que le temps c’est de l’argent … sauf semble-t-il les patrons de ces 2 groupes.
Dans les années proches, les valeurs de nos contemporains vont très sensiblement évoluer. Or ces valeurs sont perceptibles dès aujourd’hui. Ce sont sur ces valeurs qu’il faut construire la prospective de demain.

Comme un veilleur attentif aux bruissements du futur.

Le marketing de l’entreprise est noyé dans son quotidien, les objectifs à réaliser étouffent la direction générale, le marché est rendu encore plus fébriles par la rapidité de l’information issue des nouvelles technologies. Il faut assurer l’immédiat pour que le court terme soit atteint. L’équipe a « le nez dans le guidon ».
C’est au prospectiviste d’injecter le recul. Il apporte à l’entre prises des bruits faibles, des lucioles, des vibrations sur lesquelles elle va réagir, vibrer, faire créer, accaparer le produit de demain. L’entreprise se doit de développer une structure d’oreille, de nez, de langue, de toucher qui doit prendre le temps avec sa culture propre d’écouter le futur proche.
Le prospectiviste est une assistance à la création pour demain, comme un veilleur attentif aux bruissements du futur.


Philippe Cahen, membre de l'équipe d'E-Mergences, consultant en prospective est aussi spécialiste en stratégie de marque et innovation.

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