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06/09/2006

Book Review : Audiovisuel et multimédia en France – stratégies et priorités de la recherche, RIAM, par Geneviève Lecamp, ZESST SAS, 30 août 2006

La créativité réclame une mixité plus importante des champs de recherche, souligne le réseau RIAM - qui fédère la communauté hétérogène des acteurs publics et privés de l’audiovisuel et du multimédia -, en conclusion de son dernier rapport. Par delà le jargon qui émaille les propos recueillis auprès des professionnels du secteur, se profilent des problématiques communes à tous les processus d’innovation : techniques versus usages ou/et son contraire, degré d’anticipation par rapport au marché/aux utilisateurs et risques corrélés ou pari de l’évangélisation. La réponse à la diffusion capillaire de l’innovation est toujours dans le mix des outils et le bon tempo pour Fabien Delpiano de la société Filao, créatrice et éditrice de jeux vidéo sur mobiles . « On est dans des univers où, heureusement, il reste beaucoup de problèmes ».


Depuis cinq ans, le RIAM entretient un rapport privilégié avec l’industrie des contenus, via le ministère de la Culture et de la Communication et l’Agence nationale de la recherche – ANR. Par le biais d’appels à projets, le RIAM poursuit des travaux prospectifs pour dégager des succès ou des échecs de l’innovation technologique les ferments socio-économiques sur lesquels rebondir pour stimuler le travail collaboratif.

Rester à l’écoute des grands et petits acteurs de la communauté de l’audiovisuel et du multimédia, tel est le chemin que s’est fixé le RIAM avec l’appui de la société-conseil Intunéo pour produire cet ouvrage. Il en ressort une multiplicité de points de vue, ancrée dans la réalité et l ‘extrême évolutivité des métiers liés aux innombrables effets de la dématérialisation : interopérabilité, formats d’échanges, traçabilité des contenus et des traitements. Pour Jacques Gaubil, cofondateur de Kynogon, leader de l’intelligence artificielle, le secteur audiovisuel et multimédia ne se laisse pas photographier facilement. « Ses différentes filières sont caractérisées par des cycles propres, souvent courts et en décalage de phase ». Le sésame de la R&D, centrée sur des développements opérationnels et dont l’horizon atteint rarement plus de deux ans, peut se muer en cauchemar : échecs techniques, non maîtrise des coûts, retard dans la compétition, et parfois fausses promesses. Pourtant, il faut distancer la concurrence, anticiper les ruptures ou y participer.

Pouvoir ne suffit pas
« La marée technologique ne prend pas toujours le temps de déposer ses sédiments », remarque Jean Gaillard, Directeur à Mikros Images. Et de poursuivre : « le succès demande quelque chose de plus, que nous appellerons adoptabilité, et qui suppose à son tour de rencontrer des circonstances favorables ». Autrement dit, il s’agit d’estimer la capacité du marché et des usages à intégrer un projet novateur. Michel Riguidel, responsable du département Informatique et Réseaux à l’ENST, est encore plus explicite : « l’usage s’impose par l’adoption et n’existe que si la pratique a du sens. Alors comment imaginer un objet qui n’existe pas ? Aux Etats-Unis, le design numérique par un travail de conception empruntant aux sciences de la sociologie, des matériaux et des systèmes, permettrait selon Riguidel d’établir des ponts entre « un usage qui n’existe pas encore, un produit qui n’existe pas et une technologie balbutiante ou en train de naître ». L’auteur de ces propos plaide pour un véritable design centré sur l’utilisateur.

Le marché pour terme
« Chez Bionatics, l’innovation est regardée à travers un prisme d’usage, dans le but de déceler des pratiques utilisateurs concrètes, immédiatement accessibles en termes de marché, et porteuses de valeur ajoutée ». Ce sentiment est partagé par d’autres sociétés qui se méfient de l’innovation en tant que finalité à elle-même. Stéphane Singier la qualifie d’autotélique dans le sens où elle alimente la conviction que l’idée doit prendre, doit être adoptée. L’hybridation est la solution retenue par l’IRCAM dans le domaine de la musique. Si l’univers technologique est un monde où l’organe peut créer la fonction, encore faut-il rapprocher les technologies brutes des propositions de valeurs fonctionnelles. Hugues Vinet, en charge de la R&D à l’IRCAM, est partisan d’une confrontation entre concepteurs et utilisateurs finaux en amont du cycle de recherche.

Reste le pari de l’évangélisation qui mise sur l’éducation, les techniques de mercatique et sur les effets d’entraînement. C’est la démarche de SmartJog qui part d’un focus technologique très précis – transmission de flux dématérialisés à la place de cassettes pour alimenter des studios américains. Son credo : « l’adoption n’est qu’une question de temps autour d’un point de basculement ». Mais ajoute le RIAM, il n’est pas toujours garanti que naisse un véritable marché.

Un brin d’enseignement à l’usage d’autres sphères
« La dimension « conduite du changement » liée à l’innovation est souvent sous-estimée ou mal prise en compte », écrit le RIAM.  Elle implique selon nous  des investissements matériels et immatériels croisés, publics, privés et associatifs, capables de se rejoindre autour de quelques significations du progrès. Ce dernier n’est pas une donnée statique ou immuable et puise à la racine des multiples perceptions. Si « l’enfer, c’est la vérité vue trop tard » selon l’expression de René Broca, un indépendant de l’animation 2D et 3D,  le lien dans la circulation des idées et des pratiques ne peut plus se résumer à l’étanchéité des cercles habituels de diffusion de l’économie de la connaissance. L’innovation accroît sans cesse les besoins de coopération entre domaines et acteurs. Acceptons-en le défi !

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