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07/03/2008

L’apport à la prospective et à l’innovation des analyses situationnelles et des raisonnements inductifs

Interview de Jean-Pierre Malle
 
 
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1. Vous développez des travaux pointus sur les analyses situationnelles et les algorithmes inductifs. Quelle est l’origine de votre intérêt pour ces domaines ?

Dans les années 80-85, lorsque je travaillais dans le secteur de la robotique et que je concevais des systèmes dédiés à des unités d’assemblage semi-automatiques, je me suis préoccupé des situations personnelles des opérateurs quand j’ai réalisé que celles-ci influaient beaucoup sur les performances, les questions de maintenance, etc. Or les situations des individus n’étaient jamais prises en compte…

Par la suite, entre 1985 et 1995, dans le cadre de mon métier d’ingénieur en organisation chez Thalès je me suis intéressé au rôle de l’individu dans le pilotage de systèmes complexes. Je voulais qu’on redonne aux individus les moyens de contrôler les situations rencontrées.

A partir de là, j’ai conduit des recherches portant sur la modélisation des situations (modèles de capacité-maturité) et sur les algorithmes inductifs.

L’idée de base sur laquelle repose mes recherches, est que l’analyse de situations permet de voir ce que les situations induisent ou peuvent induire. On ouvre ainsi le champ des possibles.


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2. En quoi consistent les algorithmes inductifs ?


Les algorithmes inductifs constituent la troisième catégorie des algorithmes après les algorithmes déductifs et les algorithmes génétiques.

Les algorithmes déductifs permettent de dérouler des raisonnements préétablis qui traitent de façon strictement répétitive des données en entrée pour en déduire des données en sortie.

Les algorithmes génétiques introduisent une certaine dose d’évolution dans le traitement ce qui permet de varier les données de sortie obtenues avec les même données d’entrée. La variation peut être aléatoire ou fonction des traitements effectués par le passé. Dans ce dernier cas on parle d’apprentissage.

Les algorithmes inductifs reposent sur des principes de généralisation qui permettent d’essayer des traitements sur des données qui n’étaient pas prévues pour cela, en élargissant de façon arbitraire leur champ d’application.

De longue date les raisonnements inductifs ont été décriés en raison des risques d’erreurs qu’ils génèrent. La normalisation bien pensante les a exclus de toute formation leur préférant l’esthétique du raisonnement déductif.

Or force est de constater que l’usage au sein de notre société relève bien plus de comportements inductifs que déductifs. Mettez un produit dans les mains de millions de personnes et vous verrez émerger de nouveaux emplois de ce produit qui curieusement, répondent à des principes inductivistes.

La construction d’une machine inductive permettant de traiter efficacement de l’évolution probable de situations est un chantier qui nécessite plusieurs composantes :

-        La définition d’un cadre d’application suffisamment restreint pour rendre possible sa construction avec des moyens actuels,

-        La définition d’un langage approprié pour manipuler les situations,

-        Une architecture répartie et parallèle rendue possible par l’interconnexion de machines en réseau,

-        Un dispositif de supervision permettant de contrôler la convergence du système.

 
Une machine inductive est assimilable à un organisme vivant qui se charge d’un passé, intègre des nouvelles notions, les applique parfois de façon abusive, commet des erreurs et les corrige.

De telles machines ont déjà été construites par le passé de façon volontaire ou non. Nous retrouvons ces principes notamment dans les systèmes de gestion des réseaux ou dans certains virus informatiques.

 

3.  Quels sont réellement les avantages de vos démarches par rapport aux solutions actuelles ?


Les solutions actuelles d’analyse de situation reposent à 99% sur des principes déductifs ou par apprentissage.

Prenons l’exemple des sites Internet de mise en relation. La plupart d’entre eux sont composés d’un annuaire des offres et d’un moteur de recherche. Pour l’utiliser vous devez décrire ce que vous proposez ou qui vous êtes puis attendre que quelqu’un fouille dans tout çà pour peut être « tomber » sur votre fiche.

Leur seule valeur ajoutée réside dans la définition des critères de recherche, la taille de la base annuaire et dans la puissance du moteur.

Mais l’attente de celui qui offre est uniquement que son offre trouve preneur. Rien ne lui sert de mettre en vitrine quelque chose qui n’a pas d’acheteur, cela constitue un volume stérile.

De même l’attente de celui qui cherche n’est pas de passer son temps à fouiller mais d’obtenir rapidement des solutions, peu lui importe que ces solutions soient ou non dans la base.

Le nombre de cas de correspondance obtenu par déduction est par nature très faible. Les offreurs ne pensent généralement pas à tout décrire se privant de critères gagnants, ceux qui cherchent ne savent généralement pas bien décrire non plus leur besoin et les moteurs sont souvent très sélectifs voire bornés.

La conséquence est dramatique, chacun se plaint que plus l’accès à l’information est large et plus le système est chronophage et moins les chances de réussite sont grandes, ce qui parait paradoxal. Combien d’heures une personne accepte-t-elle de perdre chaque jour pour retrouver l’essentiel dans ses mails, dans ses bases, sur le web ? Combien de recherches infructueuses accepte-t-on avant de jeter l’éponge ?

De part leur structure, de tels systèmes ne peuvent remplacer l’homme avec  son caractère imaginatif, dans sa capacité à aller au-delà du problème, à  élargir son champ de vision, à ouvrir de nouveaux espaces de solution. Tous ces principes relèvent de l’induction.

 

4.   Sur quoi cela a-t-il concrètement débouché ?

En 1998, en capitalisant sur mon expérience, j’ai pu intégrer mes travaux dans l’offre d’une société que j’ai créée (la société M8). Au début, l’intégration s’est faite dans des méthodes d’organisation agiles (offre Célérial) et aussi dans des offres de formation par mise en situation. Puis, l’incorporation s’est étendue à du conseil en organisation, des process de création, des études d’externalisation, bref tous domaines où il y a des situations complexes à gérer.

 

5.  Où en êtes-vous aujourd’hui ?


Ces dernières années (entre 2004 et 2006), j’ai créé un langage et j’ai amélioré les algorithmes.

En 2006, j’ai créé la société Ensuite Informatique pour encapsuler les analyses situationnelles dans des machines car il est plus facile de vendre des solutions packagées sous forme de produits.

Ensuite Informatique propose trois gammes de produits :

-          Meri+ : cette gamme vise les sites Internet de vente ou de mise en relation. Dans cette gamme nous avons 45 moteurs dont  12 sont qualifiés, 18 sont en développement et 15 en projet.

-          Dynial : cette gamme vise la prise en compte de situations liées à une problématique habituelle (formation, call centers, prospection, risques, décryptages de vidéos, intelligence économique).

-          Syger : cette gamme concerne des applications sur mesure ainsi que les grands réseaux multicellulaires ayant à gérer des situations très complexes

 

6.  Y a-t-il des débouchés ? Quelles ont les applications possibles ?

Nous avons analysé les débouchés en faisant en 2007 des sondages auprès de nos clients et prospects. Cela nous a permis de démontrer l’intérêt du marché.  D’ailleurs, nous avons pu vérifier que le concept démarrait aussi aux USA, même si là-bas les applications sont très sectorisées.

Les applications de ce que j’ai développé peuvent se classer en trois typologies : les applications d’optimisation,  les applications de simulation, les applications de détection d’émergences.


7.  Quelles sont les applications plus directement liées à l’innovation et à la prospective ?

En liaison avec e-Mergences, nous avons développé ce que nous appelons EmergencesLab pour répondre de façon très novatrice à une problématique nouvelle dont nous sommes témoins.

En effet, tout le monde s’accorde aujourd’hui à considérer la situation de l’utilisateur d’un produit comme élément fondamental et déterminant pour toute approche marketing.

Les bases de données existantes sur les individus (clients, personnels, candidats, abonnés, usagers, etc.…), sur les produits et les objets, les sites internet, les messageries électroniques, sont autant de structures que les moteurs de recherche savent parcourir.

Il ne s’agit plus de caractériser les populations mais bien de comprendre les situations dans lesquelles chaque utilisateur se trouve et exploiter toute nouvelle application émergente.

La première vague Internet a permis d’élargir le champ des données accessibles à chacun et a été consacrée à la mise à disposition et à la circulation d’information. On a vu à cette occasion émerger de nombreuses entreprises fournisseurs de contenu. Aujourd’hui la technologie est entièrement maîtrisée et l’innovation se fait plus rare.

La deuxième vague est consacrée à la gestion du sens porté par l’information, la compréhension de la situation et les relations entre les acteurs. Elle se caractérise par la prise en compte des contextes et pour ce faire nécessite des progrès importants en matière de technologie.

Il se trouve que la notion de situation correspond à une structure d’information composée de données complexes. Cette structure est suffisamment porteuse de sens pour constituer une réelle évolution des architectures de systèmes d’information. Pour autant, elle est aussi suffisamment simple pour lui permettre de pouvoir être supportée sans attendre de ruptures technologiques.

Nous pensons être aujourd’hui à l’aube de l’avènement de machines d’un genre nouveau dédiées à l’analyse et la simulation situationnelle. L’émergence de produits tels que second life est en une illustration.

 

 

ANNEXE : le projet EmergencesLab


Le projet EmergencesLab consiste à créer une machine inductive expérimentale et l’exploiter dans le cadre d’études de situations d’utilisateurs de produits en vue de mettre en évidence des nouveaux usages.

Le projet est né de la rencontre entre Jean Pierre Malle et Eric Seulliet. Le premier a travaillé de longues années sur les techniques inductives et a initialisé un projet les mettant en œuvre (les moteurs Syger 8) et le second est spécialiste émérite de l’innovation ascendante et créateur de l’Association « La Fabrique du futur ».

Ensemble ils ont imaginé de reprendre des briques technologiques existantes :

-        L’architecture d’une machine constituée d’un réseau de cellules inductives

-        Un langage de description des situations (en V1)

-        Une maquette de navigateur permettant d’explorer et consigner des situations


L’état de départ du laboratoire pourrait ainsi permettre de disposer rapidement d’une première machine de démonstration de la pertinence du concept.

 

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