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12/02/2005

Y a-t-il une recette du succès pour les entreprises face à un marché en rupture ?

La Silicon Valley entière ne tarit pas d'éloges pour Google avant son entrée en bourse qui devrait dépasser les 2 milliards de dollars. Qu'est-ce qui a permis à Google de réussir là où les autres Dot.com se sont écroulées ? Google avait pourtant en main les mêmes cartes que ses concurrents : une rupture technologique forte créée par le web, des opportunités à saisir, des armées de concurrents soutenus par des investisseurs généreux. La réponse : Google a suivi son scénario de réussite dans un marché en rupture.
Les ruptures sont des discontinuités importantes et irréversibles qui modifient les données des marchés. On peut les classer en quatre catégories.
La première catégorie est la rupture technologique. C'est le cas de Google, leader des moteurs de recherche sur le Web, sur un marché marqué par la révolution de l'Internet. Dans un autre domaine, l'Internet a permis l'apparition des courtiers en ligne qui a modifié considérablement le fonctionnement des bourses internationales.
La deuxième catégorie est constituée des ruptures réglementaires : ce sont des changements de réglementation qui, du jour au lendemain, modifient les règles du marché. Par exemple, dans le secteur pharmaceutique, les décrets du gouvernement français pour imposer les médicaments génériques exercent une pression nouvelle sur les marges des laboratoires.
La troisième catégorie comprend les ruptures de modèle économique. On en trouve une bonne illustration dans la manière dont les délocalisations vers la Chine ont altéré les marchés mondiaux. Les industriels occidentaux ont adopté un nouveau modèle économique en deux temps. D'abord, délocaliser les usines en Chine pour servir les besoins gigantesques du marché chinois. Ensuite, fabriquer en Chine à bas coût les produits qui seront ensuite exportés au reste du monde.
La dernière catégorie couvre les ruptures dans la demande des clients. Dans le domaine de l'électroménager, il est impressionnant de voir le récent succès des machines à café expresso. C'est un concept qui n'existait pas il y a juste 5 ans. Elle caractérise une demande nouvelle des consommateurs qui ne s'est matérialisée que lorsque l'offre de produits est apparue.
Face à ces ruptures, le scénario de réussite est la réponse stratégique apportée par les entreprises qui, à l'instar de Google, ont su profiter du changement pour devenir les leaders de leur domaine. Lorsqu'on observe de près comment ces entreprises ont construit leur scénario de réussite, on s'aperçoit que les principales questions à aborder tournent autour de quatre axes :
1 - Les besoins des clients. Reprenons l'exemple de Google. Au moment de l'explosion de l'internet, les utilisateurs ont été inondés d'informations et la facilité d'accès est devenue un problème critique. Depuis le début, Google a suivi une ligne directrice : faciliter l'accès à l'information sur le web. Tous ses efforts ont portés sur la mise au point d'une technologie qui permet d'analyser automatiquement plus de 8 milliards de pages web. C'est la clé de son succès aujourd'hui.
2 - Les nouveaux entrants. Ainsi, dans le domaine de la photographie, les appareils numériques sont en train de remplacer complètement leurs aînés, les appareils de photo argentiques. Ce phénomène a permis l'arrivée de nouveaux entrants tels Hewlett-Packard au détriment des acteurs traditionnels comme Kodak.
3 - La fenêtre d'opportunité. Il ne sert à rien d'arriver trop tôt sur le marché. Mais arriver trop tard veut dire laisser les concurrents prendre la meilleure part du gâteau. C'est sans doute la question la plus délicate : quand le marché va-t-il démarrer ? Prenons l'exemple d'Apple : sa tablette électronique Newton introduite en 1992 était trop en avance sur le marché. Par contre, son baladeur iPod et son service iTunes Music Store sont arrivés au bon moment pour créer une nouvelle catégorie de produits et dominer le marché.
4 - Les virages à négocier. Dans les périodes de ruptures, les trajectoires ne sont pas rectilignes. Le but final ne s'atteint pas en une fois, mais en plusieurs étapes. Entre chaque étape, il s'agit de négocier habilement les virages. L'exemple le plus connu est sans doute celui des virements de stratégie de Microsoft au cours de son existence. Pour n'en citer que quelques uns, l'alliance avec IBM pour commercialiser MS-DOS, l'éloignement d'IBM avec la poussée de Windows au détriment d'OS 2, l'attaque du marché des logiciels de bureautique, le virage vers l'internet pour marginaliser le leader du moment NetScape, sont des exemples de virages menés efficacement par Microsoft.
Comme on le voit, le scénario de réussite dans les marchés en rupture répond à des dynamiques différentes de celles des marchés établis. Les ruptures recèlent des opportunités qui ont souri à ceux qui ont su faire les bons choix. Mais rien n'est acquis et la vigilance doit rester de mise à tout moment. Ainsi, Google est maintenant la cible affichée de Microsoft. Pourra-t-il résister ou tombera-t-il comme l'a fait NetScape ? C'est une page passionnante de l'Histoire de l'Internet qui s'écrit devant nos yeux.

Par Benoit Sarazin, directeur de FarWind Consulting Copyright © 2005 Benoit Sarazin

08:50 Publié dans Prospective | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : Prospective

Commentaires

Eh bien, c'est ce qu'on appelle "Competitive Intelligence". en fait, à la base de tout succès commercial, c'est l'identification des nouvelles opportunités et la détection des menaces potentielles (théorie des signaux faibles).

Écrit par : Aref | 13/02/2005

Excellente analyse!

A la source des ruptures les plus importantes ces dernieres annees se trouve en particulier l'explosion des technologies informatiques et celle liees a l'Intenet (avenement de la VOIP, transactions en ligne, ...) et ses consequences telles que le teletravail et surout sa version transfrontiere: la delocalisation des activites administratives repetitives.

Ces ruptures affectent le monde economique bien sur mais aussi le monde politique. La possibilite de denoncer des abus ou de disseminer des informations et de la propagande sont une consequence induite de ces evolutions, pour le meilleur et pour le pire. Par exemple, on pourrait arguer que la Chine evite un Tienanmen II en liberalisant son economie. Cela ne se produirait peut-etre pas aussi rapidement sans la presence de ces catalyseurs informatiques...

Écrit par : Bernard Slede | 14/02/2005

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